Jeudi, 10 octobre 2019 18:57

Intervention de Ségolène Royal en Islande à l’Arctic Circle

Mon intervention en séance plénière de l’Arctic Circle pour la cinquième année consécutive.

***

Monsieur le Président, Cher Olafur,
Madame le Premier ministre d'Islande,
M. le Premier ministre du Groenland,
Votre Altesse,
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs et Excellences,

Góðan daginn,

Lors de ma seizième visite pour les régions polaires et de ma cinquième visite en Islande, d'abord en 2015 et 2016 en tant que président de la COP21 et de l'Accord de Paris, puis pour la coalition géothermique avec le Président Grimsson.
C'est pour moi un grand honneur d'être ici à l'Assemblée de l’Arctic Circle, qui est devenue un événement incontournable pour l'ensemble de la communauté arctique.

Je tiens à saluer le travail du Président Grimsson qui a réussi à promouvoir ce forum en tant que plate-forme internationale indispensable.

J'aimerais aussi féliciter l'Islande pour sa présidence du Conseil de l'Arctique et pour avoir fait de la durabilité le principal pilier de son programme.
Pour la France, l'intérêt pour l'Arctique n'est pas nouveau.
Mon pays a une longue histoire de recherche polaire, comme vous le savez, avec des explorateurs et scientifiques de renom comme Dumont-d'Urville, Charcot, Paul-Emile Victor ou Jean Malaurie.

La France, qui a été le premier pays à ouvrir une base de recherche dans l'archipel du Svalbard en 1963 a une longue tradition dans la recherche scientifique arctique, y compris en sciences humaines et sociales.

Les universités françaises comme Versailles, le CNRS et l'institut polaire Paul-Emile-Victor, représentent une communauté forte de plus de 400 scientifiques appartenant à tous les domaines scientifiques et qui participe à de nombreux projets de coopération internationale, y compris ceux élaborés dans le cadre des groupes de travail du Conseil de l'Arctique. La France est au 6e rang pour les publications scientifiques polaires et au 2e rang en termes de citations scientifiques.

Comme nous le savons tous, les températures dans l'Arctique augmentent deux fois plus vite que la moyenne mondiale et ont atteint des niveaux records l'été dernier. L'Islande n'est pas à l'abri et a récemment dévoilé une plaque pour marquer la disparition de l'Okjokull, le premier monument à la mémoire d'un glacier disparu à cause du changement climatique.

C'est pourquoi, j'aimerais partager avec vous les leçons que j'ai apprises du nouveau rapport spécial du GIEC de 900 pages sur l'océan et la cryosphère, publié il y a deux semaines.
L'Arctique et l'Antarctique sont au cœur de ce rapport que j'ai commandé au GIEC en tant que président de la COP21 en 2016.

1. La fonte des glaces

- La fonte est d'environ 430 milliards de tonnes par an.
- Avec des conséquences indirectes : Par exemple, le rapport souligne les impacts sur les ressources en eau, la qualité de l'eau et la sécurité alimentaire. Plus de 2 milliards de personnes dépendent des glaciers pour leur eau potable !
- Cependant, les glaciers de basse altitude qui fournissent cette eau potable en Europe centrale, dans le Caucase, en Asie du Nord et en Scandinavie perdront 80% de leur volume en 2100.

2. Pollution

- Selon le rapport, la fonte du pergélisol pourrait libérer 800 000 tonnes de méthane ;
- Impacts sur la santé donc, mais aussi sur les infrastructures. La fonte du pergélisol est comme un tremblement de terre avec des maisons, des routes qui bougent, voire s'effondrent.

3. Le réchauffement des océans

- Comme vous le savez, l'océan est le climatiseur de la planète : il a absorbé 90% du réchauffement climatique et un quart du CO2 :
- D'où l'acidification des océans ;
- Perte d'oxygène jusqu'à 100 mètres de profondeur ;
- L'effondrement des ressources halieutiques : "zone morte".

4. Conséquences pour les peuples autochtones

Nous devons reconnaître le courage des peuples autochtones et les valeurs profondes dont nous avons beaucoup à apprendre. Les pays industrialisés ont toujours voulu dominer la nature, la détruire pour des profits à court terme, la considérer comme un bien gratuit.

Au contraire, les peuples autochtones ont fait l'expérience de ne pas dominer la nature mais de la respecter, de comprendre la nature et ne pas la considérer comme un bien gratuit.

C'est une leçon fantastique de plus en plus pertinente : c'est ce qu'on appelle la durabilité.

Le rapport du GIEC met donc en perspective trois urgences :

1. Réduire rapidement les combustibles fossiles et construire l'économie zéro carbone ;
2. Mettre en œuvre des règles de développement durable : la nécessité d'interdire le fioul lourd dans l'Arctique peut être mentionnée ici. C'est ce que nous préconisons à l'OMI en vertu du principe de précaution ;
3. Prévenir les rivalités liées aux compétitions pour l'exploitation des ressources.

Pour terminer, j'aimerais me concentrer sur la peinture et la littérature.

L'artiste française Bénédicte Klène actuellement exposée à l'Alliance française de Reykjavik, et dont le bateau a été pris dans les glaces au Groenland pendant sa résidence. Nous avons inauguré cette exposition hier avec le Premier ministre du Groenland, Kim Kielsen, et l'ambassadeur français, Paul Graham.

Tout comme les courageux pêcheurs islandais, si bien décrits par le célèbre écrivain français Pierre Loti, ces travailleurs acharnés et leurs familles frappés par la peur et la fatigue surmontant la mer sauvage et déchaînée qui les entoure, nous devons faire preuve du même courage aujourd'hui dans la lutte contre le changement climatique, étape majeure vers la justice mondiale et la dignité humaine.

Si nous sommes unis dans ce combat, nous réussirons.

Merci, Takk fyrir

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Arctic Circle 10 octobre 2019

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